Colloque « La cruauté en politique : pas de pardon, pas de pitié »

12 mars 2019

« On compare parfois la cruauté de l’homme à celle des fauves, c’est faire injure à ces derniers. Les fauves n’atteignent jamais aux raffinements de l’homme. »

Fiodor Dostoïevski, Les frères Karamazov (1880)

 

« Cruelle ironie » pour l’arroseur arrosé, « cruelle désillusion » de l’électeur déçu, « cruelle expérience » du client escroqué, « cruelle trahison » et « cruelle vengeance » de l’amour trompé. On n’en finirait pas de recenser à travers la presse, les romans ou les médias les innombrables occurrences de la cruauté rapportées à des situations quotidiennes. Pourtant chacun ne manque pas de faire la part indispensable au respect des autres, à la pitié, à la compassion et au pardon afin d’assurer à la société une vie relativement apaisée.

Il est cependant un domaine dans lequel l’expression de la puissance du pouvoir est caractérisée par l’usage permanent de la force et souvent de la violence, c’est celui de la politique. Qu’il s’agisse de guerres interétatiques, de guerres civiles ou de l’application des décisions de justice, cette violence a, depuis la plus haute Antiquité, très régulièrement débouché sur des actes de cruauté tant individuels que collectifs.

L’enjeu de ce colloque consiste donc à déterminer les circonstances et les raisons pour lesquelles, en politique, le désaccord, l’opposition, le conflit changent d’intensité puis de nature et mutent de l’hostilité à la haine, de l’adversaire à l’ennemi « mortel », pour aboutir au passage à l’acte caractérisé par des atteintes physiques conduisant à la mort et qui débouche sur des situations radicales et irréversibles.

Les historiens, en particulier du contemporain, ont aujourd’hui tendance à user d’euphémismes pour désigner ces actes : « brutalisation », « violences extrêmes », « niveaux de violence accrus », « violence terriblement meurtrière », « exactions », « atrocités », « violences paroxystiques »... Nous préférons ici revenir à la réalité des faits, à la « crudelitas du latin » qui évoque une chair sanguinolente, indique que le sang coule et induit la mise à mort, mais qui exprime aussi une inclination à faire souffrir et à voir souffrir. C’est cette cruauté que nous souhaitons placer au centre du colloque « “Pas de pardon !”, “Pas de pitié !”. La cruauté en politique ».