David Teurtrie revient sur l'élaboration collective de l’ouvrage « 100 fiches pour comprendre la géopolitique » avec trois collègues de l’ICES : le Général Blachon, Matthieu Grandpierron et Éric Pomès...
Quel a été votre point de départ pour écrire ce livre ?
« J’ai été sollicité par les éditions Bréal Studyrama afin de rédiger un ouvrage sur la géopolitique dans la collection « 100 fiches » qui permet d’explorer une discipline dans ses différentes dimensions avec une approche didactique. L’ouvrage est structuré en grandes parties qui présentent les fondements épistémologiques de la discipline, les écoles nationales de géopolitique, les grands enjeux contemporains, les rapports entre les grandes puissances, les conflits ou encore la géopolitique dans la culture populaire.
J’ai accepté de réaliser ce travail mais je souhaitais y inviter des collègues aux profils complémentaires. La rédaction de cet ouvrage s’est donc rapidement transformée en aventure collective, avec des enseignants tous en poste à ICES : le général Frédéric Blachon (doyen de la faculté de science politique et d’histoire), Matthieu Grandpierron (directeur de la Licence de science politique qui s’est beaucoup investi dans la rédaction de l’ouvrage), et Éric Pomès (doyen de la faculté de droit, économie et gestion). La géopolitique ayant des teintes et des approches différenciées, la diversité et la complémentarité de nos profils a permis d’aboutir sur un ouvrage très complet ! »
Quel public aviez-vous à l'esprit en écrivant ce livre ? Espérez-vous qu'il aura un impact particulier sur ses lecteurs ?
« C’est un ouvrage de valorisation de la recherche, avec des écrits de grande valeur ouvrant des entrées que l'on ne retrouve pas ailleurs. Ce format de fiches synthétiques s’adresse à des étudiants en science politique ou en écoles préparatoires. Mais la géopolitique étant de plus en plus présente dans différents cursus, et notamment désormais au lycée, l’ouvrage s’adresse également à des élèves suivant la spécialité HGGSP (Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques) ainsi qu’à leurs enseignants.
Enfin, au vu de la qualité d’ensemble de l’ouvrage, il pourra servir à des collègues de l’enseignement supérieur désireux d’approfondir leur connaissance de la discipline. »
Quels conseils donneriez-vous aux lycéens en spécialité science politique désireux de poursuivre dans cette voie ?
« La spécialité HGGSP (Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques) regroupe plusieurs disciplines variées, parmi lesquelles la géopolitique.
Je conseillerai tout d’abord aux élèves la lecture régulière d’ouvrages de ce type afin d’enrichir leurs connaissances au-delà des enseignements qui sont dispensés au lycée. Il faut ensuite être vigilant quant aux matières abordées et ne pas les mélanger ; il est important de comprendre que la géopolitique est une discipline à part entière qui ne se confond pas avec les sciences politiques ou la géographie, bien qu’elles aient certains objets d’étude en commun ! Enfin, il faut que les lycéens attirés par la géopolitique et la science politique réfléchissent à leur projet universitaire et professionnel en lien avec ces disciplines. »
Avez-vous rencontré des écueils particuliers lors de sa rédaction ?
« La complémentarité de nos profils était une vraie force pour mener à bien ce projet. La rédaction de cet ouvrage a confirmé l’importance d’une approche collective.
Mais réaliser 100 fiches n’est pas chose aisée puisque le nombre d’entrées est très important. Nous avons donc été amenés à traiter d’un grand nombre de thèmes de manière synthétique, ce qui nécessite de maîtriser un grand nombre de thématiques pour amener le lecteur à une bonne compréhension malgré un format court. Cela demande à certains égards un travail aussi conséquent qu’un sujet de spécialité ! Le travail d’écriture a été long et il a fallu également faire un effort pour harmoniser les fiches afin de proposer un ensemble cohérent.
C’était la première fois que je coordonnais un ouvrage collectif : c’est un travail exigeant mais très satisfaisant car j’ai beaucoup appris des autres auteurs. »
Y a-t-il des idées ou des arguments clés que vous espérez que les lecteurs retiendront de votre livre ?
« Oui, j’en citerai deux. Premièrement, le fait que la géopolitique est une discipline à part entière malgré son manque de reconnaissance par les institutions scientifiques et ceci alors qu’elle est de plus en plus présente dans les programmes d’enseignement. L’ouvrage contribue à bien faire comprendre qu’il s’agit d’une discipline avec son épistémologie, ses concepts, ses outils et ses objets d’étude.
Deuxièmement, certains pans de la géopolitique sont bien connus, à l’instar des grands auteurs de la géopolitique anglo-saxonne, mais d’autres le sont moins. Dans cet ouvrage, nous avons essayé de rééquilibrer ces aspects en insistant par exemple sur l’école de géopolitique française (paradoxalement assez mal connue) et sur les écoles de géopolitique russe et chinoise qui sont particulièrement importantes pour comprendre le monde contemporain.
Comment pensez-vous que le paysage géopolitique décrit dans votre livre va évoluer dans les années à venir ?
« Ce n’est pas un ouvrage de prospective. Néanmoins, l’analyse pointue et structurée de l’état actuel du monde présentée dans l’ouvrage peut donner des clés de lecture afin de comprendre les évolutions futures. De manière générale, l’Occident doit composer avec de grands pays émergents qui réclament de plus en plus de poids sur l’agenda des relations internationales. Un rééquilibrage des relations internationales est ainsi en cours et on observe un déplacement du centre de gravité de la géopolitique mondiale vers l’Asie. On voit également émerger deux blocs : un bloc eurasiatique mené par la Chine et la Russie qui fait face à un bloc occidental. La question qui se pose est de savoir si cette logique de bloc va s’imposer dans les années à venir ou si nous irons vers une logique plutôt polycentrique à l’échelle internationale avec chacune des puissances grande ou moyenne jouant sa propre partition. À l’heure actuelle, nous sommes dans un entre-deux : il y a une opposition croissante entre l’Eurasie et l’Occident mais aussi des pays jouant leur propre partition (l’Inde ou la Turquie par exemple). »