Aujourd’hui historien, Jean-Baptiste Gallen est un ancien étudiant de l’ICES. À seulement 24 ans, il vient de publier son premier ouvrage, L’Invention du “en même temps”. La chute d’un ambitieux (1818-1820) aux Éditions du Cerf ; un essai dans lequel il compare les ressemblances troublantes entre Elie Decazes et le Président Emmanuel Macron avec 200 ans d’écart.
Bonjour Jean-Baptiste, peux-tu présenter ton parcours depuis l'ICES ?
Après mon bac, j’ai fait une licence science politique à l’ICES. J’ai connu l’ICES grâce à un de mes cousins qui y était passé. Je n’avais entendu que du bien de cette université. De plus, originaire de Lorient, il y avait une proximité géographique avec la Bretagne. À l’époque, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire tout comme la plupart des étudiants de ma promotion, mais je me suis toujours intéressé à la politique et en même temps à l’histoire. La licence science politique me paraissait être la parfaite combinaison. J’étais certain que cela me permettrait d’assouvir mes besoins de connaissance en histoire et en science politique. Pour cela, je n’ai pas été déçu.
Ensuite, j'ai hésité entre continuer dans le domaine de la science politique, ou essayer l’histoire de façon plus approfondie. J’ai choisi de faire une licence 3 d’histoire à la Sorbonne ce qui m’a permis d’avoir une double licence tout en me confortant que c’était ce vers quoi je voulais me diriger. J’ai poursuivi avec deux masters d’histoire à la Sorbonne. Aujourd’hui, je travaille pour Franck Ferrand et je publie mon premier livre : L’invention du “en même-temps”. La chute d’un ambitieux (1818-1820).
Que retiens-tu de ton passage à l'ICES ?
Effectivement, en découvrant par la suite d’autres universités, je me suis rendu compte de la chance d’avoir pu étudier à l’ICES. Il y a une proximité entre les professeurs et les étudiants. Nous étions des petites promotions. Tout le monde se connaissait que ce soit entre étudiants de science politique ou avec les étudiants des autres formations : un véritable lien se crée entre tous les icessiens. À l’ICES, j’ai pu créer de profondes amitiés que je garderai très longtemps. J’en garde de très bons souvenirs.
Ce que je retiens aussi, c’est aussi la notion d'engagement qui est très importante et valorisée à l’ICES. Les étudiants ne sont pas « de simples consommateurs ». Ils s’investissent. Ils sont acteurs et proactifs. Cette opportunité et cette valorisation de l’engagement sont de grandes chances.
Je pense que l’ICES permet de ne pas juste survoler les choses aussi bien sur le plan universitaire que sur le plan amical. À l’ICES, on apprend au-delà du savoir être. On approfondit à la fois les choses intellectuellement et les amitiés. C’est toujours quand on perd quelque chose que l’on s’aperçoit de sa valeur et de sa qualité. De fait, en quittant l’ICES, j’ai pris conscience de la qualité de ses enseignements et de la qualité des relations. Si c’était à refaire, je choisirai la même université.
Comment est venue l’idée d’écrire ton livre L’invention du “en même temps”. La chute d’un ambitieux (1818-1820) ?
Pour mon mémoire, j’avais choisi la période de la Restauration : l’année 1815 où Napoléon chute pour la seconde fois et favorise la réinstallation de la monarchie. En étudiant cette période, je me suis aperçu du nombre important de points communs entre cette époque et la nôtre, mais surtout la ressemblance entre deux personnages aussi bien politiquement que physiquement : Elie Decazes et le Président Emmanuel Macron.
À la suite à l’obtention de mon master, j’ai eu l’occasion d’écrire un article dans le Figaro sur cette ressemblance. A sa parution, cet article a plutôt bien marché. Ayant eu de très bons retours du Figaro, l’idée m’est resté en tête d’en faire un jour un livre. Plus le temps passait, plus les points communs entre ces deux personnes me paraissent de plus en plus évidents. Alors, je me suis lancé dans la rédaction.
Pour rédiger cet ouvrage, j’ai repris mes recherches de mémoire avec une approche et une finalité différentes, mais tout en s'appuyant sur des références historiques solides. En effet, dans mon livre, je me permets de développer une analyse subjective de sujet que je n’ai absolument pas évoqué dans mon mémoire.
Puis, en février 2021, je suis allé voir les Éditions du Cerf pour leur présenter mon travail. Cette maison d’édition a adhéré au projet, ainsi l’aventure a commencé.
Est-ce que tu avais des objectifs en écrivant ton livre ?
J’aime bien l’idée qu’au fond l’histoire nous apprend énormément sur nous-même et sur la façon dont les hommes et les femmes fonctionnent et évoluent. C’était amusant de voir qu’à 200 ans d’écart les mêmes causes produisaient les mêmes effets.
Quand Elie Decazes arrive au pouvoir en 1815, il a 35 ans. Il plaît. Il est très charismatique. Il se trouve dans une case politique très vieillissante ce qui lui porte un avantage certain. Il apporte du sang neuf dans le nouveau régime et devient très rapidement le favori du roi. Du jour au lendemain, il se retrouve à gouverner la France. Sa volonté première est de faire une politique du « en-même temps », que l’on appelle la “politique du juste milieu”. Faire une politique qui se veut à la fois de droite et de gauche en voulant lisser les clivages, le but affiché est de dépasser des idées jugées obsolètes bloquant le fondement politique.
Emmanuel Macron a fait de même avec son gouvernement composé de représentants politiques de droite et de gauche. Sa politique s’illustre par une politique “un coup à droite, un coup à gauche” dans le but d’essayer de plaire à tout le monde. Au fond, on s'aperçoit que cette politique fonctionne assez peu. Les clivages sont nécessaires et indispensables au débat politique. À force de vouloir les lisser voire même de les faire disparaître, la violence resurgit.
D’ailleurs, il y a deux siècles, cette stratégie a provoqué de la violence. Le débat politique est devenu très nerveux. Elie Decazes a été la cible de la contestation.
En miroir, lors de son quinquennat, Emmanuel Macron fut, à son tour, la cible de nombreuses attaques personnelles. La vie politique de son premier mandat n’a été qu’une succession de scandales ou de polémiques. La violence a resurgi et le débat politique est plus difficile.
Voilà la thèse de mon livre : à 200 ans d’écart, la même politique produit exactement les mêmes effets permettant aux extrêmes de se développer. Les extrêmes de gauche ou de droite avec la radicalité de leurs solutions semblent offrir la seule réponse à toutes les crises existentielles du moment. A l’époque, Élie Decazes disait que c’était lui ou bien les ultras. Cela rappelle la même stratégie qu’Emmanuel Macron a utilisée en 2017 en utilisant la phrase : « C’est moi ou le chaos ! ». L’échec politique d’Élie Decazes, président du conseil en 1815 et les similitudes reflétées dans mon livre avec Emmanuel Macron, résonnent comme une sorte de mise en garde pour l’actuel président de la République.
Journal de mon enfance, je suis très heureux d'avoir pu répondre aux questions de @OuestFrance à l'occasion de la sortie de mon premier livre aux @EditionsduCERF : pic.twitter.com/0n1XcryHTX
— Jean-Baptiste Gallen (@JibeGallen) April 11, 2022
As-tu une anecdote sur l’écriture ou la sortie de ton livre ?
Ce qui est drôle lorsque j’écrivais le livre, c’est que je me disais toujours qu’il fallait le rédiger en pensant qu’Emmanuel Macron était en train de le lire.
Une fois l’ouvrage édité, je lui ai envoyé un exemplaire avec une dédicace personnelle. Quelque temps après, le président me remercie par écrit tout en m’indiquant qu’il découvrait la période et le personnage d’Élie Decazes.
Vraiment, je ne pensais pas qu’il le lirait, ni qu’il me ferait un retour par écrit… Il a lu mon livre et ça surprend ! Depuis, j’ai exposé sa lettre de remerciement sur ma cheminée.
Quels sont tes futurs projets ?
Pour notre génération, je trouve assez difficile de se projeter sur le long terme.
Cependant, je réfléchis actuellement au plan d’un prochain livre sur la même période de l’histoire mais, cette fois-ci, avec un axe purement historique. Je souhaite aussi poursuivre dans le monde de l’histoire, écrire d’autres livres et peut-être ensuite passer de l’autre côté de la radio ou de la caméra.
D’ailleurs, je conseillerai aux étudiants de se lancer et de ne pas douter de leurs capacités. L’important est d’aller au bout de son projet ; ne pas avoir peur non plus de contacter les éditeurs et de les relancer.
Enfin, je m’intéresse beaucoup à la politique. Je pense qu’un jour, je m'investirai politiquement dans un mandat local voire national. Revenir en Bretagne est aussi dans mes projets, mais chaque chose en son temps !