Bible et littérature exégétique
Le fonds Chavagnes propose, d’une part, plusieurs éditions de la Bible datant du XVIIe siècle et, d’autre part, divers ouvrages ou séries d’ouvrages commentant la Bible dans son intégralité, ou parfois certaines sections ou livres bibliques plus particulièrement.
Une très importante série bilingue « en latin et en françois », éditée et commentée par Dom Augustin Calmet, l’un des plus importants exégètes du XVIIIe siècle, fournit un travail d’érudition très précieux. Il ne s’agit pas seulement d’une édition bilingue de la Vulgate avec traduction, mais également d’une étude approfondie constituée « des notes litterales critiques et historiques, des préfaces et des dissertations, tirées du commentaire de Dom Augustin Calmet, Abbé de Senones de M. l'abbé de Vence et des auteurs les plus célèbres pour faciliter l'intelligence de l'Ecriture Sainte ». Cette série est la plus précieuse de nos versions : reprenant les doctrines de scientifiques (géologues, géographes, biologistes), de théologiens et de philosophes du temps, elle est un important témoin de l’avancée scientifique et exégétique du temps. Il s’agit d’un immense travail d’érudition et d’analyse des sources bibliques, rassemblant et comparant les commentateurs et scientifiques qui se sont intéressés à l’historicité du texte biblique. C’est notre version la plus intéressante, en dix-sept tomes. |
Quelques autres séries incomplètes portent la version sixto-clémentine de la Bible, révision effectuée suite au Concile de Trente. Notons avec intérêt la présence du Psalterium Davidis du cardinal saint Giuseppe Maria Tomasi, alignant sur trois colonnes une double traduction latine des psaumes – la première tirée du bréviaire des prêtres, la seconde de la Vulgate -, accompagnée d’un commentaire assez succinct en italien. |
La section d’exégèse est quant à elle beaucoup plus fournie. Plusieurs groupements relevant du vaste domaine de l’exégèse se dégagent au sein de cette collection : un premier rassemble des commentaires bibliques généraux, un second présente les commentaires ciblés de certains livres, évangiles ou épîtres de la Bible, en distinguant généralement Ancien et Nouveau Testaments. L’intérêt de ce corpus réside aussi dans le fait qu’il rassemble les travaux de certains cardinaux importants, tels que ceux du docteur jésuite saint Robert Bellarmin.
Parmi les commentaires généraux se distingue le Commentarius in Sacram Scripturam de Jacques Tirin, père jésuite et supérieur de la maison professe d’Anvers. Outre un « chronicon sacré depuis la fondation du monde à la destruction du temple et de la ville de Jérusalem par Titus », des index et des tableaux chronologiques des étapes de l’histoire et des grands noms agrémentent l’introduction. Un chapitre sur les idiotismes en langues grecque et hébraïque, très complet et méthodique, pourrait beaucoup intéresser les philologues, théologiens ou historiens. De manière générale, l’analyse de versets choisis, exécutée avec une grande clarté, en fait ouvrage à la fois ciblé et complet, précis mais comprenant l’essentiel. D’autres écrits comme les Selectarum disputationum in sacram scripturam du jésuite Benito Pereyra, ou les Opera du jésuite allemand Jeremias Drexel, s’ajoutent à l’ensemble.
Enfin, deux blocs doivent absolument être signalés : ce sont les séries de commentaires bibliques – possédés dans leur quasi-intégralité par l’ICES - de Cornelius a Lapide, qui tenait lieu d’expert biblique dans les débats entre catholiques et protestants, et d’Augustin Calmet. Ces deux ensembles passent en revue tout le texte biblique, quoique Cornelius a Lapide soit mort avant d’avoir pu achever ses commentaires du livre de Job et des Psaumes.
Si toutefois l’un ou l’autre chercheur se trouve intéressé par des commentaires plus ciblés, nous disposons de nombreux commentaires testamentaires, portant sur des livres ou extraits précis de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Pour ce qui est de l’Ancien, l’épais in-folio de Benito Pereyra, contenant les Commentariorum et disputationum in Genesim en quatre tomes du jésuite, très spécialisé et complet, attirera sans doute les théologiens ou philologues qui se penchent sur ce premier livre du Pentateuque.
Johann Heinrich Hottinger, à ne pas confondre avec son fils Johann Jakob Hottinger, ne fut pas que philologue et théologien ; il incarna également l’orientalisme suisse du XVIIe siècle par sa connaissance de l’hébreu, de l’arabe et de l’araméen. Son Ministerium solennis expiationum diei juxta ductum legum Mosaicarum, que nous possédons dans une édition de 1754, se compose d’une traduction du Lévitique (texte bilingue), suivie de commentaires. Outre quelques références à la version grecque, des citations en hébreu ponctuent régulièrement ces derniers, venant enrichir l’analyse et renforcer l’interprétation.
Le commentaire de l’Ecclésiaste par le janséniste Isaac-Louis Le Maistre de Sacy, suivi et complété par « une explication tirée des Saints Peres & des autheurs ecclesiastiques » s’ajoute à la liste. Le Maistre de Sacy fut issu d’une grande famille huguenote et janséniste, est célèbre pour sa traduction de la « Bible de Port-Royal », qui restera la principale référence en la matière au XVIIIe siècle. Nous disposons aussi d’un commentaire au livre d’Esther, par Joannes Anselmus Nickes, un bénédictin du Mont-Cassin. En ce qui concerne les ouvrages portant sur le Nouveau Testament, nous possédons surtout des volumes d’exégèse paulinienne : les In omnes Divi Pauli apostoli epistolas commentarium d’Estius, docteur et professeur en théologie à Louvain puis à Douai, ainsi que les In catholicas BB. Jacobi et Judae apostolorum epistolas commentarii de Jean Lorin, qui se réfèrent aussi aux versions hébraïque et grecque. |
Signalons aussi un groupement important d’ouvrages qui se concentrent sur l’interprétation des psaumes davidiens, avec une variété non négligeable d’auteurs.
Ce sont d’abord les Elucidationes in C.L. Dauidis psalmos de Petrus Caranus, dans une édition romaine de 1661, dédicacée au pape Alexandre VII, qui proposent des commentaires linéaires. Puis viennent deux oeuvres de Thomas Le Blanc : la Psalmorum Davidicorum analysis en six volumes de 1734, et la Psalmorum Davidicorum analysis, in qua aperte cernitur singulis dont nous n’avons que le deuxième tome.
Enfin, il ne faut pas manquer le petit volume de l’humaniste Antoine de Laval. Géographe d’Henri IV, mais aussi architecte, peintre et menuisier, celui-ci nous a laissé une Paraphrase des CL. Pseaumes de David, tant literale que mystique. Il s’agit d’une traduction des psaumes par l’auteur, complétés par la Vulgate en marge, avec introduction et annotations en début et en fin de chaque psaume, suivis de leur paraphrase. L’originalité de cet ouvrage réside dans la nature non seulement spirituelle mais aussi poétique et littéraire du commentaire. Il s’agit d’adresses aux hommes et à Dieu dans la forme de prières, de plaintes, en vue d’approfondir le sens des psaumes.