Hérésiologie et controverses religieuses
Le fonds Chavagnes comporte un certain nombre de livres d’hérésiologie et de controverses. Outre cela, certains ouvrages généraux de théologie y consacrent parfois une partie ou un chapitre. Il peut s’agir d’hérésies antiques, mais la plupart du temps les mouvements concernés sont contemporains : des hérésies, telles que le quiétisme, le catharisme ou le jansénisme, mais aussi des controverses internes, comme la crise entre gallicans et ultramontains, sont débattues dans ces écrits.
Nous disposons d’ouvrages précieux pour l’étude des controverses : l’Elenchus de Gabriel du Préau. Ce théologien et philologue français fut une grande figure du XVIe siècle ; contemporain de Luther et Calvin, il combattit leur doctrine avec vigueur et dressa cet Elenchus, recensant toutes les hérésies depuis les débuts de l’Église à l’époque de l’auteur, agrémenté de nombreux index sur le concile, les auteurs ecclésiastiques, etc.
D'autre part, les frères hollandais, tous deux évêques, Adriaan et Pieter Van Walenburch, publièrent un traité général sur les points théologiques des controverses de la foi, le Tractatus generales de controversiis fidei, que nous possédons dans une édition colonnaise de 1669-1671. Le contenu est le suivant : le premier tome procède à un examen des principes de la foi, s’appuyant sur la méthode augustinienne. Il examine ainsi les articles et les principes indéniables, les instruments de la propagation de la foi. Il discute de la mise à l’épreuve de la foi par les témoins, des témoignages et traditions oraux, des prescriptions catholiques, de l’unité de l’Église et du schisme, des missions protestantes, réservant plusieurs parties à la Réforme. Le second tome fournit un compendium des sujets de controverses, avec un traité sur la descente du Christ aux enfers, des chapitres sur l’Église, son état avant Luther et sa vocation extraordinaire, d’autres sur les saints, sur la très sainte Eucharistie, sur les mérites. Nous avons donc également affaire à un ouvrage de théologie dogmatique, portant sur la doctrine et sur la foi catholiques. |
Les Damnatae theses ab Alexan VII, Innocentio XI, & Alexandro VIII[1] du jésuite Dominico Viva décortiquent toutes les thèses condamnées par les papes Alexandre VII, Innocent XI et Alexandre VIII, parmi lesquelles nous pouvons citer celles de Michel Baius ou de Michel de Molinos. Les décrets des papes sont affichés dans leur intégralité, tout en latin, tels que ceux de 1665-1666 par le pape Alexandre VII. L’analyse s’effectue en traitant diverses « questions ». L’intérêt de l’ouvrage concerne notamment la variété et la précision des sujets : sur l’engagement en duel, les péchés oubliés, la restitution des fruits des bénéfices, la consommation des œufs durant le Carême, l’arrêt de la Censure, les baisers et leurs « conséquences », le meurtre en cas d’adultère, l’Office des Palmes, les formes du baptême, l’avortement, la pénitence, le vol en cas de grave nécessité, etc. Il s’agit de toutes les questions débattues à une époque donnée, qu’elles concernent l’administration de l’Église, ou des points de théologie dogmatique ou morale. |
Concernant les controverses sur les questions sacramentelles, deux tomes du dominicain René-Hyacinthe Drouin rassemblent en un volume l’étude De re sacramentaria contra perduelles haereticos libri decem. La première partie se concentre sur l’essence des sacrements, leur efficacité et leur vertu, leurs effets, leur auteur, les ministres, les cérémonies et les rites ; la seconde se focalise sur le baptême, dont elle examine la « matière », les effets, les premières formes qui ont précédé le sacrement institué par Jésus – le baptême de Jean, la circoncision... –, et enfin la nécessité de cette étape. La troisième partie porte sur la confirmation, sa nature, sa matière, ses formes, ses effets, ses ministres, son origine....; la quatrième regarde le sacrement de l’Eucharistie, avec toujours le même plan d’analyse (essence, formes, ministres, dispositions nécessaires, origines premières tirées de l’Ancien Testament, telles que l’ancienne Pâques...). La dernière s’intéresse à la dimension de sacrifice, aux sacrifices anciens, à la Croix, à la Sainte Messe... L’auteur traite ces sujets en se référant à divers écrivains ecclésiastiques et faisant allusion aux différents maîtres de doctrine déclarés hérétiques ou objets de controverses. Le tout s’avère très pratique si l’on étudie une question sacramentelle ou théologique précise sur laquelle des hérétiques ont débattu : un index procure une liste des sectes et hérésies grecques, orientales, rabbiniques, antiques ou « modernes », ainsi que des grandes figures comme celles d’Eunome, de Luther et Calvin, de Kemnitius, des mouvements des novatiens, des manichéens, etc.
Pour finir, certains ouvrages de théologie du fonds consacrent parfois d’importants passages aux controverses de la foi : la Theologia tripartita universa d’Archdekin, qui s’intéresse aux questions de controverses, depuis les plus anciennes jusqu’aux hérésies « récentes », consacrant toute une partie aux erreurs de Miguel de Molinos ; les Controversiae inter episcopos et regulares de l’évêque italien Franco de Loreto, dit Loreto de Franchis ; le Tractatus de sacramentis : confirmationis et unctionis-extremae de Jacques de Saintebeuve, qui, reprenant la tradition patristique, décrit comment s’est effectué le retour à l’orthodoxie de certaines populations d’Orient par l’intermédiaire des questions de l’onction ou du symbole de foi. |
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Latin
A cet ouvrage général s'ajoutent des écrits portant sur des controverses bien précises. Le traité sur les Cathares et les Vaudois, l’Adversus Catharos et Valdenses, de l’inquisiteur Monéta de Crémone, s'offre à l'étude. Le dominicain écrivit ce traité à partir de son expérience au sein de l’Inquisition, en tant que quaesitor des causes de la foi, ce qui confère un intérêt supplémentaire à ce livre, imprimé à Rome en 1743. Il le composa « d’après les ouvrages alors existants de la secte et d’après sa propre expérience, et fournit une sorte de manuel à l’usage des catholiques pour reconnaître et réfuter ces hérétiques. » Une biographie de l’auteur succède à la dédicace initiale, puis des dissertations sur l’histoire des Cathares et des Vaudois introduisent la préface de Monéta. Enfin vient le corps de l’ouvrage : une description des différents sujets de querelles, le traitement de questions théologiques sujettes à controverse, des chapitres sur les origines des hérésies en général, d’autres sur les questions christologiques, sacramentelles et ecclésiastiques, puis des discussions de théologie morale. |
En outre, nous détenons le Tractatus de libertatibus ecclesiae gallicanae, traité sur la liberté de l’Église gallicane, publié par Antoine Charlas, lors de l’affaire de la Régale. Imprimée à Rome par la Presse de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, en 1720, l’œuvre constituait une réponse à la dissertation du juriste Maître Louis Ellies Dupin. Bénéficiant des encouragements de D. Gibert de Choiseul, évêque de Tournai à la fin du XVIIe siècle, Antoine Charlas publia cette série dans le contexte de l’affaire de la Régale. Durant cette période, il soutenait l’évêque de Pamiers, Monseigneur Caulet, dont il était le conseiller, en s’opposant fermement et ouvertement à la politique gallicane de Bossuet et de Louis XIV. Ces travaux furent donc à l’origine publiés sous couvert d’anonymat, mais l’auteur fut découvert et dut s’enfuir à Rome, où il assista sans doute au procès du quiétiste, Miguel de Molinos. C’est là que fut réalisée cette réédition. Dans son oeuvre, Charlas, qui défendait donc une position ultramontaine, cherche à définir les justes libertés de l’Église gallicane. |