Entretien avec Charles-Eloi Vial

01 février 2024

Jeudi 1 er février, se tenait à l’ICES la première intervention du séminaire « Napoléon, une histoire vivante », destiné aux étudiants de la faculté d’histoire. Rencontre avec Charles-Éloi Vial, conservateur à la Bibliothèque nationale de France (BnF), docteur HDR en histoire, présent pour dispenser dispenser son cours « Bibliographie et archives napoléoniennes »…

Comment le travail avec les archives a façonné votre métier d’historien ?

« C’est une vaste question ! D’une part, les archives font parties intégrantes de mon métier puisque je suis conservateur des bibliothèques. Classer des archives, les décrire et les signaler fait partie de mon quotidien ! Cela a toujours été à mes yeux une évidence : pour un historien, travailler avec des archives est le meilleur moyen de trouver du neuf et de progresser. Comme chercheur, réussir à trouver des documents que personne n’avait vu auparavant est toujours une exaltation. Comme historien, je me suis beaucoup attaché aux archives car je considérais qu’elles permettaient de battre en brèche ce que l’on retrouve dans des témoignages publiés au XIX° siècle, des mémoires ou des souvenirs, qui sont souvent ou enjolivés ou complètement inventés. Les archives permettent de découvrir grâce à de nouveaux textes des mensonges, des falsifications, des erreurs ou des omissions, et donc de remettre en question des partis-pris. Il y a donc pour moi une dimension critique, qui est extrêmement importante dans mon approche du métier d'historien »

Le bibliothécaire est souvent caricaturé : comment présentez-vous ce métier de façon attractive aux étudiants ? Quelle est la réalité de votre quotidien ?  

« J’essaye de leur expliquer d’une part que c’est très bien d’être un "rat de bibliothèque" ! Ensuite, il ne faut pas oublier que les archives peuvent aussi nous faire rêver, nous amuser ou nous surprendre. En les consultant et en les classant, on met un peu le nez dans les affaires des autres, ce qui est très rarement ennuyeux. Le métier de conservateur est loin d’être ce que l’on imagine, il s'agit d'un métier très prenant, au service de l'histoire mais aussi au service des autres, qui implique de veiller à la conservation du patrimoine, de l'enrichir, de faire de la recherche, mais aussi de veiller à la diffusion de la connaissance, que ce soit par des cours, des conférences, des articles, des expositions. Quand on est rat de bibliothèque, on n’est pas non plus le rat d’une seule bibliothèque, on fréquente de nombreuses salles de lecture. Dans l’idéal, la recherche en histoire implique d'aller consulter non seulement en France, mais aussi à l’étranger… le rat de bibliothèque est un rat qui se promène beaucoup. De même qu’il ne faut pas s’enfermer dans un sujet ou dans un type de source : il faut toujours aller vers l’ouverture, se confronter à de nouveaux documents, de nouveaux discours, rencontrer d’autres historiens, s’intéresser à d’autres périodes… pour moi, l’histoire c’est toujours l’ouverture et la curiosité. »

VIAL

Fait-on encore des découvertes capitales pour l’histoire ?

« Bien sûr ! On retrouve régulièrement de nouvelles sources, qu'il s'agisse de papiers privés que l'on consulte pour la première fois, ou de documents publics qui n'avaient encore été vus par personne. Ces textes permettent ensuite de se poser de nouvelles questions et de remettre en perspective des évènements que l’on pensait parfaitement connaître. Ces découvertes permettent parfois d’ajouter un chaînon manquant, par exemple le rôle d’un individu, l'impact d’une décision, le déroulement décisif d’une journée… En particulier, il ne faut pas croire que les documents concernant l’histoire napoléonienne on été tous vus. Il en reste beaucoup à découvrir ou à redécouvrir, car chaque historien apporte sur ses sources son propre regard et ses propres préoccupations. »

Vous publiez 1 ou 2 livres par an : comment faites-vous ? 

« En général, c’est plutôt un livre par an, avec parfois des décalages propres au monde de l'édition. C’est une question de discipline ou d'hygiène de vie, qui implique de travailler tous les jours. En l'espèce, je ne suis pas plus ni moins productif que mes devanciers. C’est le rythme qu’ont tous les historiens tels que Jean Tulard, Thierry Lentz, Jacques-Olivier Boudon, ou encore Emmanuel de Waresquiel. Cela oblige à travailler, avec une alternance de périodes d’écriture et de recherche dans les archives, et plus généralement d’organiser sa vie autour de l’histoire… mais pour un historien, ce n’est peut-être pas une mauvaise chose. »

Si vous deviez décrire Napoléon en 3 mots ? 

« Certitude. Ambition. Charisme. Je travaille actuellement sur cette question du charisme qui rejoint les deux autres mais les dépasse aussi puisque le charisme personne de Napoléon continue à avoir de l'effet sur nous, plus de deux siècles après sa mort. »