Martial Vonwill « Les étudiants de l’ICES sont la raison d’être de mon doctorat »

13 janvier 2021

Le 6 janvier, Martial Vonwill, responsable de la licence Droit à l'ICES, a brillamment obtenu son doctorat en droit privé sous la direction du Professeur Philippe Briand, professeur de l'Université de Nantes. Il nous présente ce travail de longue haleine, et cet exercice si particulier qu'est une soutenance de thèse de doctorat.

 

Depuis la semaine dernière, vous êtes passé du statut de doctorant à celui de docteur en droit privé. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre soutenance de thèse de droit ?

J’ai longtemps cru que la soutenance était un simple accessoire à la remise du manuscrit de thèse. J’ai réalisé qu’elle est en fait un exercice à part entière. C’est une épreuve d’endurance qui dure trois heures. Le candidat présente son sujet au cours d’une dizaine de minutes, et il n’y a guère que pendant ce temps qu’il maîtrise le fil des échanges.

Ensuite viennent les remarques et les questions qui peuvent partir tous azimuts. Il faut savoir répondre avec spontanéité et assurance, en restant ouvert à la critique. L’expérience a été riche d’enseignements pour moi, car il y a eu de vrais débats de fond, ponctués de conseils du jury pour la suite. La soutenance a été en cela un vrai challenge.

Je suis très reconnaissant aux quatre membres de ce jury de m’avoir mis à l’épreuve. Sans doute les laboratoires de recherches gagneraient-ils à aider le doctorant à se préparer à cet exercice, éprouvant physiquement et mentalement.

Une soutenance de thèse est un vrai challenge...

 

Martial Vonwill : Docteur en Droit et Science politique, spécialité Droit privé
Thèse de Doctorat par Martial Vonwill

Votre thèse porte sur "L'indemnité légale de rupture des contrats de VRP et d'agence commerciale". Pouvez-vous présenter brièvement l'objet de vos recherches ? Quelles perspectives cela ouvre-t-il dans ce domaine juridique ?

Le représentant de commerce et l’agent commercial font partie d’une panoplie d’intermédiaires du commerce comme le sont par exemple le franchisé, le concessionnaire, et bien d’autres encore. Mais ils ont la particularité, depuis plus d’un demi-siècle, de profiter d’un régime protecteur, car la fin de leur contrat s’accompagne par principe d’un droit à indemnité, qui ressemble en quelque sorte à l’indemnité de licenciement du salarié.

Le but de ma thèse a été de s’interroger sur la raison juridique d’un tel droit, et surtout de tenter de comprendre le motif pour lequel ce droit n’est pas ouvert aux autres intermédiaires du commerce. En effet, le législateur n’est pas toujours très clair sur ses motivations, et le rôle du doctorant consiste parfois à mettre à jour ces motivations et vérifier leur cohérence. Je n’ai donc jamais eu la volonté, durant mes recherches, d’œuvrer pour un changement du droit, mais plutôt pour sa compréhension.

À tous ceux qui se demandent ce que l’on peut bien avoir à rechercher en droit, je souhaite répondre que là où le chercheur en médecine tâche de trouver des remèdes aux différentes pathologies, le juriste, quant à lui, cherche à s’assurer que l’état du droit n’est pas pathologique.

 

 

Vous ne vous en cachez pas, vous avez mis beaucoup plus de temps que prévu à la réaliser. Quelles en sont les raisons ? Être en même temps chargé de cours permanent et responsable de filière à l'ICES, a-t-il été un avantage ou une contrainte pour la réalisation de votre thèse de droit ?

Lors de ma toute première inscription, en 2004, j’ai été amené à explorer un autre sujet, avec un premier maître de thèse. Pendant trois ans, j’ai manqué d’inspiration et de motivation, et n’ai quasiment pas avancé. À l’ICES, c’est le directeur de l’époque, François Boulêtreau, qui m’a incité à ne pas abandonner la recherche doctorale, afin d’offrir une légitimité à mes enseignements universitaires. Un conseil que j’ai suivi à la lettre, et dont je le remercie aujourd’hui.

Sous la tutelle d’un nouveau maître de thèse, j’ai donc travaillé un peu plus de dix ans sur mon sujet actuel. Cette lenteur s’explique notamment par un perfectionnisme quelque peu excessif dans ma rédaction, les étudiants reconnaîtront ce trait de ma personnalité, et par le poids de mes responsabilités pédagogiques et administratives au sein de l’établissement. Pendant de très nombreuses années, j’ai eu à cœur de faire passer l’intérêt des étudiants avant le mien. Mais j’ai compris qu’il est également de l’intérêt de l’ICES d’avoir dans son corps professoral des enseignants reconnus par le monde universitaire.

Je tiens à saluer le courage et la patience de mes étudiants actuels, qui m’ont toujours porté et ont toujours fait preuve d’une grande compréhension à mon égard. Mon souhait le plus cher serait de lire la fierté dans leurs yeux. J’en ai un échantillon dans les messages qu’ils m’envoient afin de me féliciter. Ils sont l’âme de l’ICES, autant que la raison d’être de mon doctorat. 

 

Martial Vonwill dans un amphithéâtre de l'ICES

Les étudiants sont l’âme de l’ICES, autant que la raison d’être de mon doctorat...

Martial Vonwill donne une cours dans l'Agora de l'ICES

Selon votre expérience, quelles sont les questions à se poser avant de s’engager dans une thèse en droit ?

La thèse n’est pas seulement un choix professionnel. Elle est aussi un choix de vie. Pendant un temps plus ou moins long, au minimum trois ans, elle accompagne le doctorant. Elle est la première chose à laquelle il pense le matin en se levant, et la dernière qui hante son esprit le soir lorsqu'il se couche. Elle accapare le temps et les loisirs. Je pense ainsi que le rôle de tout bon directeur de thèse est d’abord de décourager son étudiant à en faire une. Je conseille d’ailleurs de bien réfléchir à sa motivation, car elle est un mémoire à la puissance 20.

Ensuite, il faut bien considérer ce que l’on veut en faire. Une thèse ne se rédige pas pour le plaisir intellectuel. Elle doit avoir une visée professionnelle, et doit donc s’inscrire dans une stratégie pensée à l’avance, et dotée d'une véritable viabilité. L'inscription en doctorat est généralement envisagée par l’étudiant désireux d’intégrer, à terme, le milieu universitaire.

Elle sert également de passerelle pour s’inscrire à l’école d’avocats sans passer par la voie de l’examen d’entrée, réputé difficile. Mais toujours, elle reste une voie d’exception. La normalité de l’esprit consiste en principe à la fuir !

La thèse n’est pas seulement un choix professionnel.
Elle est aussi un choix de vie.

Après cette longue période de préparation de thèse, ce travail de recherche ne va-t-il pas vous manquer ?

Le travail de recherche va d’autant moins me manquer que je vais continuer d’écrire des articles et des commentaires pour le compte du Centre de Recherche de l'ICES (CRICES). La thèse n’est qu’une forme d’initiation à la recherche : elle donne d’excellents outils méthodologiques pour construire une pensée.

Au-delà de mon désir de pratiquer l'enseignement, je souhaite désormais utiliser ces outils au service de la doctrine juridique. J’ai déjà quelques projets d’articles en tête. Les échanges que j’ai régulièrement en travaux dirigés avec mes étudiants m’offrent de nombreuses occasions de réfléchir à l’opportunité de certains concepts juridiques, ou de certaines lois ou décisions de justice. Parce que je me considère comme un « chercheur » bien davantage que comme un « trouveur », mon goût pour la recherche en droit promet de ne jamais s’estomper.

Gaston Bachelard a justement écrit que « celui qui trouve sans chercher est celui qui a longtemps cherché sans trouver ». Cette phrase m’a souvent conduit à fouiller, creuser, approfondir, toujours aller plus loin. J’aimerais qu’elle serve de modèle à nos étudiants, afin qu’ils comprennent que les choses n’ont rien d’accessible facilement, mais que c’est là ce qui fait leur charme. Pour se les rendre simples, il faut d’abord accepter l’idée qu’elles sont complexes.

Cyril Pasquier