Jean Perois : les menaces politiques du monde moderne

16 mars 2023

Jean Perois est docteur en Sciences politiques et relations internationales, il est aussi chargé de conférence à l'ICES, son expertise est reconnue dans le monde de la sécurité industrielle. Dans son livre Threats in Context qui vient de paraître aux édititions CRC press, il s'intéresse aux menaces politiques dans le monde moderne. 

portrait de Jean Pérois

Le titre de votre livre pourrait être traduit par « Menace en contexte », à quel type de menace s’intéresse-t-il ?

Il serait peut-être plus exact de traduire Threats in context par ‘Menaces dans leur contexte ». L’objet de ce livre était initialement de suggérer une méthode d’analyse et d’anticipation, si tant est que la chose soit possible, à l’usage des professionnels de la sécurité, consultants et analystes, ainsi qu’aux étudiants en sécurité, pour lesquels les menaces politiques, peuvent constituer – dans le cadre de leurs études- un domaine de recherche intéressant. Les menaces dont je parle sont essentiellement des menaces sécuritaires, c’est-à-dire des menaces qui doivent être traitées soit par les états eux-mêmes, soit par des sociétés de protection privées, et qui peuvent peser sur des entreprises commerciales et/ou industrielles prises pour cible par des adversaires brutaux et déterminés. J’ai passé en revue quelques attentats qui ont eu une grande couverture médiatique, pas forcément les plus meurtriers, mais les plus marquants de leur époque.

La première fait une rétrospective des attentats des 6 dernières décennies. Pourquoi ce choix ?

Des critères tout à fait personnels. Depuis mon adolescence, le terrorisme a accompagné mon existence. Comme une réalité éloignée certes, mais toujours présente. Des jeux de Munich à la prise d’otage de l’Achille Lauro, des détournements d’avion des années 70 au 11 septembre, le terrorisme et la menace qu’il fait peser sur les sociétés, a toujours été là, et a emmaillé notre existence de violence souvent incompréhensibles qui ont modifiées notre mode de vie (regardez la sécurité dans les aéroports, par exemple).

A quel public dédiez-vous votre travail ?

J’ai passé plusieurs décennies dans le monde de la sécurité industrielle, en Afrique et dans le Golfe Persique, dans des régions considérées comme des régions à risques, et j’ai côtoyé de nombreux consultants en sécurité, d’analystes passionnés par les affaires internationales dans leur bureaux de Paris, de Londres, de Dubaï et d’ailleurs. Ils ne seront pas surpris par ce travail, et c’est à eux que je dédie, au premier chef, ce livre. Ils savent que je suis toujours à la recherche de la technique idéale pour anticiper les menaces sécuritaires et de proposer des méthodes d’analyse solide pour les prévenir. Je dédie ensuite à mes étudiants pour qui la sécurité est un domaine nouveau et qu’ils veulent mieux connaitre. La sécurité est un domaine académique récent, en plein développement, qui mérite qu’on s’y consacre, car le monde qui nous attend ne sera pas moins dangereux, bien au contraire.

Quelle réaction doit-il produire chez celui-ci ?

Tout d’abord éclairer sur les différences qui existe entre les menaces, les risques, la sécurité, toutes notions un peu vagues qu’il est essentiel de bien maitriser avant d’être capable de passer à la phase suivante, c’est-à-dire l’identification de menaces réelles, le développement de l’analyse prospective, et la mise en place de mesures de prévention grâce à des outils théoriques et techniques.

Qu’est-ce que la mondialisation a changé dans les menaces modernes ?

La mondialisation est un concept politique que je ne considère pas comme neutre. Disons plus simplement l’ouverture des frontières, une plus grande circulation des individus, les transferts de fonds légaux et illégaux instantanés et le peu de contrôle des flux financiers internationaux, ont été une aubaine pour le crime transnational qui en a exploité, et continue de le faire, toutes les opportunités. Ce crime transnational, s’il n’est pas l’objet de mon livre, a pourtant un lien très fort avec le terrorisme politique, et une analyse de la criminalité locale doit toujours partie d’une analyse de risque bien construite.

Vous proposez une méthode pour traiter les menaces, mais le principe même de la menace n’est-il pas de chercher à éviter toute forme de logique ?

Au contraire, la menace de genre terroriste, dans la mesure où elle a un soubassement politique, s’affirme selon des règles qui sont compréhensibles, logiques et qu’il est donc possible d’anticiper. Les décisions prises par les responsables terroristes répondent à une logique affirmée, et sont toujours rationnelles par nature. Attention, je ne dis pas que le lieu et l’heure d’un attentat sont prévisibles, cela serait du charlatanisme, mais comprendre qu’un mouvement qui a les capacités d’agir dans un certain contexte pour améliorer sa position politique, agira à un moment ou à un autre, cela est tout à fait du domaine de la prospective et de la veille stratégique.

La dernière partie de votre ouvrage a pour but de prévenir les menaces du monde contemporain. Comment pourriez-vous convaincre les lecteurs de ne pas s’en tenir à celle-ci ?

Le but de mon livre est plutôt d’identifier les menaces et d’anticiper leurs éventuelles mises en œuvre. C’est surtout de proposer un système d’analyse cohérent et qui s’inscrit dans une lecture assez théorique du monde de la sécurité. Mon prochain livre traitera de la veille sécuritaire, stratégique et prospective, c’est-à-dire comment organiser un système de surveillance cohérent pour appréhender les changements sécuritaires dans des régions donnée et sera publié aux Presses Universitaires de l’ICES. Ce quatrième livre sera rédigé en français cette fois et il servira de support et de référence à un cours de veille prospective que j’ai inauguré ici cette année avec les M1 Droit du parcours Sécurité-Défense.

Livre de Jean Pérois, Threats in Context